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Tree Dance

PRESSE

 

 Juin, mieux que mai ! Après l’échec patent des créations musique/danse du festival initié par le Mgen en mai dernier, le théâtre des Bernardines, qui consacre son mois de juin à la musique Â« autrement Â», révèle que la réussite est possible grâce à la collaboration de la compositrice Annabelle Playe avec la danseuse Armelle Choquard.

 Sous le signe de John Cage, le premier concert du juin musical des Bernardines imaginé par Ubris Studio, dédié à Yves Darié, était entièrement dévolu aux découvertes. Du dernier opus de Jacques Diennet, « la question est toujours sans réponse et Â» des deux dernières créations d’Annabelle Playe.

Un programme chichement balancé, ludique. Une ambiance décontractée que l’on doit aux musiciens Fabrice Lanoé, Barbara Titeux, Jean-Marc Montera, Richard Dublesky, Yoan Vely, Jacques Diennet, David Rueff, Annabelle Playe et à la participation vocale de Suzanne Joubert. Et une soirée marquée - en seconde partie -  par l’expérience d’une rencontre originale, celle d’Armelle Choquard, danseuse de Bharata Natyam (danse classique de l’Inde du Sud) avec la jeune compositrice de « le loup et la lune Â», donné en prélude, dans un morceau intitulé « Tree dance Â».

Quand la musique commence, Armelle Choquard est repliée sur elle-même, proche du sol, presque enracinée. Elle prend son temps et, lentement, imprime un mouvement dans le haut du corps. Un tremblement des épaules qui, par effet de vibration, passe dans tout le torse avant d’insuffler aux mains la possibilité du geste.

Danse et musique : au cÅ“ur de la sensation.

Du bassin aux genoux jusqu’aux pieds : les points et articulations délivrent l’ensemble du corps. La danse va lui permettre de prendre son envol, avant de le maintenir dans un état d’éveil.

 

 

Un état proche de la suspension tant il n’y a jamais de clôture de l’espace mais une perpétuelle mise en relation, par l’écoute, de la musique et du corps et de la musique du corps.

Tout en ranimant les arts asiatiques entièrement contenus dans la danse indienne (comme la lenteur du nô japonais, la terreur du théâtre d’ombre balinais, le sens d’un geste toujours adressé, un regard accompagnant le mouvement de sa naissance à son évanouissement), Armelle Choquard a réussi le tour de force de se débarrasser des archétypes qui régissent le corps strictement codifié, dans ses postures, de cette danse traditionnelle.

Les mains (qui ne racontent rien, mais évoquent), la symétrie (un moyen d’accéder à la beauté parfaite) et un sens dépouillé de l’ornement (chaque geste est fin, subtile jusque dans sa façon de s’articuler avec le mouvement d’ensemble) sont autant d’éléments qui ont permis de conserver la philosophie fondamentale de cette danse : communiquer aux spectateurs l’expérience des « rasa Â». Ces émotions , au nombre de neuf qui sont, avec les « karana Â» (positions du corps), les fondements de la pensée et du mouvement de la danse indienne.

En libérant le geste de ses carcans par une constante écoute de ce que propose la composition contemporaine d’Annabelle Playe, Armelle Choquard a pu, entière, se plonger, et, partant le spectateur, au cÅ“ur du neuvième rasa, l’émotion suprême : la sérénité. Ainsi nous baignant dans de la sensation pure, loin de tout formalisme, « Tree Dance Â» ouvre la voie d’un Bharata Natyam du 21ième siècle. 

 

 

Francis Cossu – La Marseillaise – 11 juin 2000

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